Aucune corrélation entre le port du masque et le taux de SARS-CoV2 chez les enfants
Analyse d’une étude in-situ réalisée en Catalogne
Comme de nombreux autres pays à travers le monde, la Catalogne a rendu obligatoire l’utilisation de masques couvrant le visage pour les enfants âgés de six ans, comme l’une des mesures principales non médicales visant à atténuer la transmission du SARS-CoV-2 dans les écoles.
À ce jour, d’après cette étude [1] menée conjointement par des chercheurs des Universités de Barcelone et Oxford, l’efficacité de cette mesure n’est pas bien établie. La comparaison quasi-expérimentale entre des enfants de 5 ans, en tant que groupe témoin (ne portant pas de masque), et des enfants de 6 ans, en tant que groupe test, n’a pas pu démontrer l’efficacité de la mesure.
Les auteurs ont comparé une population d’une taille de 599 314 enfants :
- âgés de 3 à 11 ans fréquentant l’enseignement préscolaire (3-5 ans, sans masques)
- et des enfants en primaire de 6-11 ans, (avec masques)
afin de calculer l’incidence du SARS -CoV-2, les taux d’attaque secondaire (SAR) et le nombre effectif de reproduction (R*) pour chaque classe au cours du premier trimestre de l’année scolaire 2021-2022, et en analysant les différences entre ces deux groupes d’enfants.
Méthodologie :
Une étude de cohorte rétrospective a été développée en se basant sur les deux populations d’enfants. Les données ont été obtenues à partir du recensement officiel des enfants d’âge scolaire en Catalogne testés par RT-PCR et des tests antigéniques pour le SARS-CoV-2.
Pendant la période d’étude de 3 mois, chaque fois qu’un cas positif était détecté par le système de santé, l’ensemble de la classe était immédiatement mis en quarantaine pour une période de 10 jours, et tous les enfants du groupe étaient testés avec une RT-PCR quatre à six jours après leur dernier contact avec la personne infectée, avec recommandation d’effectuer un deuxième test si des symptômes devaient apparaître malgré un résultat de test négatif.
Participants, cohortes et suivi :
La population étudiée était une cohorte d’enfants âgés de trois à onze ans affectés selon le recensement académique 2021-2022 du ministère de l’Éducation de Catalogne. Comme le recensement scolaire permet de déclarer des groupes de toute taille, les classes de plus de 30 ou de moins de 5 élèves ont été exclues, pour assurer une meilleure stabilité intra-groupe.
Un « cas index » est défini comme étant le premier cas dans une classe pendant les 10 premiers jours, et les « cas secondaires » ont été définis, selon les directives catalanes de gestion du SARS-CoV-2, comme tout cas positif dans les 10 jours à la suite d’un cas index dans la classe concernée.
Un enfant testé positif après cette période de 10 jours était considéré comme un nouveau cas index.
Les enfants ont été suivis âge par âge, donnant ainsi 3 groupes d’études pour les 3 à 5 and et 6 groupes d’études pour les 6 – 11 ans.
Un total de 1 907 écoles, 28 575 classes et 599 314 (94,7 %) des élèves ont été inclus dans l’analyse après les exclusions (principalement basées sur la taille trop grande ou trop petite des classes).
Les variables épidémiologiques suivantes ont été utilisées pour comparer les deux cohortes :
- Taux d’incidence de l’infection par le SARS-CoV-2 : c’est le nombre d’enfants avec un test positif divisé par la population.
- Taux d’attaque secondaire (SAR) : le nombre de nouveaux cas dans une classe divisé par le nombre total de membres du groupe à risque après soustraction du cas index. Le SAR a été calculé pour chaque classe puis résumé pour chaque année scolaire sous forme de moyenne et de médiane.
- R* : le nombre moyen de cas secondaires pour chaque cas index tel que décrit par ailleurs [2]. Le R* moyen a été calculé pour toutes les classes au cours de chaque année scolaire.
Les observations épidémiologiques ont été validées par un traitement statistique.
Résultats :
L’étude a permis de suivre rétrospectivement 177 648 enfants de 3-5 ans ne portant pas de masque et 421 666 de 6-11 ans ayant porté des masques de septembre à décembre 2021.
Le nombre d’infections par le SARS-CoV-2 au cours de la période d’étude était de 24 762 (4,13 %).
Les auteurs ont observé que toutes les années scolaires suivaient un schéma similaire, et les années préscolaires étaient systématiquement moins infectées que les enfants plus âgés. L’incidence était plus faible au stade préscolaire qu’au primaire, variant entre 1,74 % en 3e année de classe maternelle et 5,91 % en 6e année de classe primaire, ce qui montre une tendance dépendante de l’âge.
13 404 foyers infectieux ont été identifiés au cours de la période d’étude. En moyenne, 57 % de ces infections n’ont pas eu de cas secondaires, mais il y a eu plus de foyers infectieux sans cas secondaires chez les enfants de 3-5 ans (70 %) que chez les enfants de 6-11 and (53 %).
Les principaux résultats de l’étude ne montrent pas de différences significatives au sein du groupe d’enseignement primaire en termes d’indicateurs de transmission au cours du premier trimestre de l’année scolaire en cours et une forte dépendance à l’âge dans la transmission.
En l’absence d’utilisation obligatoire du port du masque, les enfants les plus jeunes ont des indicateurs de transmission nettement inférieurs à ceux du groupe d’âge supérieur. Ces résultats peuvent être corrélés à la diminution de la réponse immunologique innée en fonction de la croissance de l’enfant et donc à une évolution vers une réponse immunologique semblable à celle de l’adulte.
Les résultats obtenus à partir de cette étude montrent des résultats similaires à ceux obtenus dans d’autres études qui analysent l’impact des politiques de port du masque pour les élèves en milieu scolaire. Aucune corrélation entre l’obligation de port du masque chez les enfants de 6-11 ans au niveau du district étudié et les taux de SARS-CoV-2 n’a été trouvée dans une étude comparable faite dans des écoles de Floride (États-Unis) au cours de l’année scolaire 2020-2021 [3]. De même, en comparant 123 écoles secondaires britanniques ayant posé l’obligation de port du masque en comparaison de 1 192 écoles ne l’ayant pas imposé au cours de trois semaines de l’année scolaire 2021-2022, le taux d’absence dû au COVID-19 a diminué de 0,6 % (11 % de différence relative) dans le premier groupe. Toutefois, cette valeur n’est statistiquement pas significative [4].
Les limites de l’étude sont également détaillées dans l’article :
- Des enfants en préscolaire ainsi que des enfants en premières années de primaire ont pu mal porter le masque.
- Bien que les deux cohortes test et témoin aient été équilibrées au niveau territorial et socioéconomique de par la conception de l’étude, il se peut que d’autres variables n’aient pas été prises en compte (c.-à-d. la dynamique de la classe ou la densité d’élèves dans la classe).
- Une surestimation des résultats est probable ayant considéré que tous les cas secondaires provenaient d’une infection par un « cas index » et non de cas concomitants dans une fenêtre de 10 jours ou d’une infection par un cas index provenant d’une autre origine que l’école. Cependant, le domicile présente le plus grand risque d’exposition depuis le début de la pandémie, tant en Espagne qu’ailleurs.
- Enfin, un pourcentage plus élevé d’infections asymptomatiques chez les jeunes enfants pourrait influencer le nombre de cas asymptomatiques individuels, mais d’énormes efforts de diagnostic pour détecter ces infections ont été mis en place depuis l’année scolaire précédente 2020-2021.
Les points forts de l’étude sont également soulignés :
- Deux cohortes homogènes (P5 et 1ère année primaire) sont la base de cette comparaison et d’évaluation de l’efficacité des masques chez les enfants
- D’autres paramètres tels que l’âge ou le comportement entre les deux cohortes ont peu d’influence sur le résultat qui pourraient influencer les résultats obtenus, bien qu’il faille considérer la dynamique de la classe.
- Compte tenu de la difficulté de mener des essais randomisés contrôlés dans des contextes éducatifs, cette analyse quasi-expérimentale est une approche optimale.
L’analyse des années des classes primaires montre clairement une dépendance à l’âge de la contamination, qui semble être la variable la plus importante. Ceci est cohérent avec les résultats d’une étude réalisée avec des données du premier trimestre de l’année universitaire précédente et de différentes variantes du SARS-CoV-2 où il a été observé que la transmission dans les milieux éducatifs augmentait avec l’âge indépendamment de l’utilisation de masques.
En conclusion, l’obligation de port du masque dans les écoles ne peut être associée à une incidence plus faible de transmission du SARS-CoV-2, du taux d’attaque secondaire SAR ou du nombre effectif de reproduction (R*). À l’inverse, une incidence et une transmission plus faibles ont été observées chez les jeunes enfants (ne portant pas de masque), ce qui suggère que l’âge est le facteur le plus important pour expliquer la transmission chez les enfants.
Pour aller plus loin….
Une étude finlandaise [5] a également évalué l’efficacité du masque, porté par des enfants. Ce qu’il faut en retenir ?
À l’automne 2021 en Finlande, la recommandation d’utiliser des masques faciaux dans les écoles pour les élèves de 12 ans et plus était en place dans tout le pays. Certaines villes ont également recommandé des masques faciaux pour les jeunes élèves, ce qui a permis d’évaluer l’efficacité des masques chez les enfants de 10-12 ans par rapport aux enfants de 7-9 ans.
L’objectif de cette étude était de comparer l’incidence du COVID-19 chez les 10 à 12 ans entre les villes avec différentes recommandations sur l’utilisation des masques faciaux dans les écoles. Le nombre de cas de COVID-19 ont été obtenus auprès du Registre national des maladies infectieuses (NIDR) de l’Institut finlandais pour la santé et le bien-être, où les laboratoires de microbiologie clinique signalent tous les tests positifs au SARS-CoV-2 avec des identifiants uniques, tels que la date de naissance, le sexe et le lieu de résidence. Le NIDR est attaché au registre des données de la population, permettant le calcul des incidences. L’étude a comparé les différences de tendances des incidences sur 14 jours entre Helsinki et Turku chez les enfants de 10 à 12 ans et, à titre de comparaison, chez les 7 à 9 ans et les 30 à 49 ans en utilisant la régression « joinpoint ». D’après cette analyse, aucun effet supplémentaire n’a pu être conclu, sur la base des comparaisons entre les villes et entre les tranches d’âge des enfants non vaccinés (10-12 ans versus 7-9 ans).
Références :
[1] https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4046809
[2] Alonso S, Alvarez-Lacalle E, Català M, et al. Age-dependency of the Propagation Rate
of Coronavirus Disease 2019 Inside School Bubble Groups in Catalonia, Spain. Pediatr Infect
Dis J. 2021;40(11):955-961. doi:10.1097/INF.0000000000003279
[3] Oster E, Jack R, Halloran C, Schoof J, McLeod D. COVID-19 Mitigation Practices and
COVID-19 Rates in Schools: Report on Data from Florida, New York and Massachusetts.
medRxiv 2021.05.19.21257467; doi: 10.1101/2021.05.19.21257467
[4] Department of Education UK. Evidence Summary. Coronavirus (COVID-19) and the use
of face coverings in education settings. 2022. Accessed: February 2, 2022. Available at:
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1055639/Evidence_summary_-_face_coverings.pdf
[5] https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.04.04.22272833v1.full