Vaccins anti-Sars-Cov-2 : Prévention de l’infection et du décès étudiée chez les vétérans US (Février à octobre 2021)

 

Durée D’efficacité De La Protection Contre L’infection

On espérait que les vaccins à ARNm « BNT162b2″ (Pfizer-BioNTech),  « mRNA-1273″ (Moderna) et le vaccin à vecteur viral « JNJ-78436735″ (Janssen) diminueraient les manifestations cliniques de Syndrome Aigu Respiratoire Sévère (SARS-CoV-2), lors de leur arrivée sur le marché aux USA [1,2]. Leur utilisation semblait quelque peu corrélée à une diminution de l’incidence d’infections asymptomatiques et de la contagiosité associée. Les rapports initiaux (incluant le suivi des essais de Pfizer et de Moderna) [6-8] suggéraient une protection vaccinale soutenue [9]. Mais trois rapports du Centre américain de prévention et Contrôle des maladies (CDC) en août 2021 [10,12] ont démontré que la protection contre l’infection avait décliné au milieu de l’été, alors que le variant Delta devenait dominant ; des infections, maladies, hospitalisations et décès continuaient à apparaître chez les vaccinés.

S’est alors posée la question des « boosters » (injections de rappel) ; utilisées d’abord par Israël, puis l’UK ; aux USA, la FDA en a autorisé l’utilisation en septembre 2021 pour les plus âgés (≥ 65 ans) et les adultes à risque [22] puis les autorisations pour les autres vaccins [23] ont suivi. Le débat à propos des « boosters », aux Etats-Unis, a dévoilé les limites de l’infrastructure de la santé publique dans ce pays : les données nationales sur la découverte d’infections chez les vaccinés sont mal renseignées. Le CDC a modifié en mai 2021 sa façon de surveiller toutes les infections qui apparaissaient  pour se focaliser sur  l’identification et l’investigation des seuls cas hospitalisés et à issue fatale attribuable à n’importe quelle cause, même non reliée à la CoVid [25].

Voici les résultats marquants que l’on peut retenir de l’article sur les Vétérans américains :

Le pourcentage de tests PCR positifs est plus élevé chez les non-vaccinés (25,8%), les sujets de moins de 50 ans (19,1%), ceux qui ont un score de comorbidité plus bas (16,2%) (index de comorbidité de Charlson = 0) [26].

Sur 498.148 sujets pleinement vaccinés, 33.514 (6,7%) avaient un test PCR positif. La distribution des 3 vaccins dans la population des vaccinés est liée à l’âge des sujets : les plus jeunes (<50 ans) ayant une probabilité plus grande d’avoir reçu le vaccin Janssen.

Pendant la période d’intérêt (1erfévrier–1eroctobre) l’efficacité anti-infectieuse a décliné avec le temps (P < 0,01) à partir de mars (Fig. 1), et cela avec tous les vaccins : celui de Janssen d’abord, puis Pfizer-BioNTech (43%) et Moderna (58%). En septembre, l’efficacité du vaccin de Janssen était tombée à 13% !

Image1_Veterans

Fig. 1 Efficacité du vaccin contre l’infection par SARS-CoV-2, estimée par un test PCR positif, en fonction du temps, estimée selon les modèles de risque proportionnel de Cox, ajustés selon l’âge, l’ethnie, le sexe et le score de morbidité.

Dès le début juillet, les risques d’infection (par SARS-CoV-2) s’accéléraient chez les non-vaccinés aussi bien que chez les doublement vaccinés (Fig.2). Les vaccinés avec le produit Moderna avaient le plus faible risque d’infection, suivis de près par ceux qui avaient eu le produit Pfizer-BioNTech et, loin derrière, le vaccin Janssen.

Image2_Veterans

Fig. 2. Courbes de Kaplan-Meier illustrant le risque cumulé d’infection par SARS-CoV-2, en fonction du statut vaccinal et de l’âge.

  • Tous âges
  • Âge <50 ans
  • De 50 à 64 ans
  • ≤ de 65 ans

La fonction de survie estime le temps où l’infection a été détectée par le plus récent test RT-PCR positif.

 

Le risque de décès après infection par SARS-CoV-2 était plus élevé chez les non-vaccinés, indépendamment de l’âge ou des comorbidités [Fig. 3]. Cependant, les infections n’étaient pas bénignes chez les vaccinés, comme le démontre le risque de décès plus élevé chez les vaccinés ayant eu une infection intercurrente que chez les vaccinés indemnes de toute infection.

Des résultats similaires ont été observés dans la période où le variant Delta est devenu dominant. Plus spécifiquement, parmi ceux qui avaient un test-RT-PCR positif à partir du 1er juillet 2021, la vaccination était associée à une diminution du risque de décès, bien qu’avec des différences selon l’âge et le vaccin utilisé. Avant 65 ans, l’efficacité contre un décès était 81,7% pour l’ensemble des vaccins (73% pour Janssen, 81,5% pour Moderna et 84,3% pour Pfizer-BioNTech). Par contre, après 65 ans, la protection n’était plus que de 71,6% pour l’ensemble des vaccins, (52,2% pour Janssen, 75,5% pour Moderna et 77,1% pour Pfizer-BioNTech).

Image3_Veterans

Fig. 3 : Courbes de Kaplan-Meier illustrant le risque de décès (quelle qu’en soit la cause), en fonction du statut vaccinal et du résultat du test RT-PCR.

 

  • Âge < 65 ans
  • Âge ≥ 65 ans
  • Index de comorbidité de Charlson < 3
  • Index de comorbidité de Charlson ≥ 3

 

Un observateur attentif verra que la courbe de survie des < 65 ans (A) est légèrement meilleure chez les non-vaccinés PCR négatifs que chez les vaccinés PCR négatifs. Serait-ce dû aux effets indésirables des vaccins ? Une grosse limite méthodologique, soulignée par les auteurs eux-mêmes, est que l’on ne sait pas pourquoi les sujets se font tester en PCR. Il est bien dit que les asymptomatiques ne sont peut-être pas testés

 

Les 3 vaccins utilisés sont tous moins efficaces sur le variant Delta

Cette étude, portant sur 780 225 individus, semble en faveur des bénéfices de la vaccination pour la réduction des risques d’infection (par SARS-CoV-2) et de décès.

Cependant, la protection décline tandis que les risques augmentent à la fois chez les non-vaccinés et les vaccinés, coïncidant avec l’émergence et la dominance du variant Delta aux USA. L’analyse portant sur 3 types de vaccin suggère un déclin majeur de protection contre l’infection (SARS-CoV-2) avec le temps pour le vaccin Janssen. Encore que, en dépit du risque d’infection qui augmentait avec le variant Delta, le risque de décès des non-vaccinés après infection restait élevé par rapport au risque des vaccinés.

Les modèles d’infection par le SARS-CoV-2 parmi les vaccinés montrent une inquiétante tendance temporelle, correspondant à l’émergence du variant Delta aux USA en juillet 2021 [27]. Bien que d’autres auteurs aient rapporté une protection contre l’infection et contre le risque de décès chez les Vétérans pendant la campagne de vaccination de la mi-mars 2021 [27], les résultats de cette étude suggèrent que les vaccins sont moins efficaces dans la prévention d’infection due au variant Delta. Ce variant est plus contagieux que d’autres, probablement à cause d’une charge virale augmentée et donc d’une transmission possible avant l’apparition des symptômes [28]. D’autres études américaines [29-31], montrent, elles aussi, un déclin de la prévention au moment où le variant Delta atteignait la dominance, ce déclin étant notable chez les adultes plus âgés. Le même type d’observation a été fait en Israël [16], au Royaume Uni et au Qatar [32, 33].

La durée d’efficacité de la prévention d’infection face au variant Delta, dans cette population de
780 255 individus, dépendait du type de vaccin et cela était vrai pour tous les groupes d’âges et le temps écoulé depuis la vaccination. Le produit de Janssen a montré un important déclin d’efficacité : la prévention des décès n’était que de 50%. Ceci concordait avec la meilleure réponse en anticorps neutralisants obtenus après vaccination avec les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna [34]. De plus, les différences de réponse immunitaire aux vaccins ARNm sont en faveur d’une meilleure prévention contre le risque de décès (via l’immunité cellulaire qu’ils sont capables de générer) comparée à la prévention contre l’infection qui dépend plus des anticorps [35].

L’ observation d’une augmentation de risque de décès chez les sujets vaccinés infectés de façon intercurrente par SARS-CoV-2, justifie la poursuite des recherches et la mise à disposition d’interventions efficaces pour prévenir ces infections. Ceci est valable pour toutes les personnes, incluant les totalement vaccinées. En effet, les Vétérans pleinement vaccinés, comparés aux non-vaccinés, ont une plus forte probabilité de survie lorsque ces deux populations subissent la même infection intercurrente (SARS-CoV-2) ; ceci est vrai pour les groupes plus âgés, ceux qui ont des maladies chroniques et pendant et après l’émergence du variant Delta en Juillet 20221.

Il faut aussi noter que ces infections sont un sujet d’inquiétude quant à la transmission.  Le variant Delta, en particulier, se caractérise par une charge virale dans la muqueuse nasale, aussi importante chez les vaccinés que celle que l’on observe lors d’une infection chez les non-vaccinés. [36]. Dans la mesure où la charge virale est un point-clé de la transmissibilité [37], le bénéfice de la vaccination est moindre pour le variant Delta que pour les variants plus anciens [38].

On ne sait pas encore si ces infections « intercurrentes » augmentent le risque de « Covid long ». Celui-ci peut s’observer après des infections aussi bien légères que sévères, ce qui laisse supposer que les survivants d’une infection intercurrente peuvent être aussi à risque de Covid long. D’ailleurs une autre étude sur la cohorte de vétérans devrait être prochainement publiée sur le Covid long.

La communauté scientifique continue à débattre sur l’intérêt des boosters. L’agence américaine du médicament (FDA) a autorisé les boosters avec Pfizer-BioNTech en septembre puis Moderna et Janssen en octobre 2021. Quoique l’étude américaine n’aborde pas directement les bénéfices et risques des boosters, ses résultats peuvent être interprétés dans le contexte de ce débat toujours en cours

1) La prévention d’infection diminue le plus fortement avec le vaccin Janssen, mais cette protection n’est que de quelques semaines ; est-il donc judicieux de proposer un vaccin dont l’efficacité est très loin des 95% voire 99% annoncés et dont les injections de rappel devraient se faire tous les deux mois ?

2) Quoique leur risque de décès soit beaucoup plus bas, en raison de leur âge, les jeunes (< 65 ans) avaient la plus importante réduction de risque relatif de décès associé à la vaccination, ce qui suggérait que ce groupe d’âge pouvait tirer bénéfice d’un booster, comme le groupe des plus âgés. Le récent résultat du premier essai sur les boosters indiquerait qu’un booster avec Pfizer-BioNTech est efficace à 95,6%, comparé avec 2 injections suivies d’un placebo [43]. Mais des inconnues subsistent. Quelle sera l’efficacité des boosters contre le variant Delta et les suivants qui ne vont pas manquer d’émerger ? Et combien de temps va durer l’immunité obtenue après un booster ? De façon observationnelle, nous constatons déjà des infections massives au variant Omicron chez des triple- vaccinés.

En conclusion, pouvons-nous dire que le vaccin est le meilleur outil pour la prévention de l’infection à SARS-CoV-2 et, donc, la prévention du risque de décès ? Les auteurs de l’étude sur les vétérans américains concluent : « Ce vaccin doit être accompagné des mesures traditionnelles : port de masque, lavage fréquent des mains et distanciation physique, chez les vaccinés tout autant que chez les non-vaccinés ». Quel est donc son intérêt ? En outre, il ne répond pas à deux des bénéfices attendus d’un vaccin : la protection du sujet vacciné lui-même, et l’absence de transmission de la maladie par le sujet vacciné.

De plus, l’utilisation du vaccin, en tant que seul traitement proposé, empêche le recours à des thérapeutiques précoces qui ont fait leurs preuves – certaines depuis le début de l’épidémie – et qui permettent d’éviter le passage au stade d’inflammation majeure et d’infections surajoutées, qui nécessite ensuite hospitalisations et/ou nécessité de recourir à des soins intensifs.

 

Enfin, on peut souligner, à regret, que rien ne soit dit à propos des effets secondaires consécutifs aux injections vaccinales anti-Covid. Il serait en effet étonnant qu’il n’y en ait eu aucun chez 498 148 Vétérans vaccinés et très régulièrement surveillés par le Veterans Health Affairs (VA).

 

Références

[1]   T. Plilshvili et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 753-758 (2021)

[2]   A. Christie et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 858-864 (2021)

[3]   M. G.Thompson et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 495-500 (2021)

[4]   C. M. Brown et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1059-1062 (2021)

[5]   R. Herlyhi et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1084-1087 (2021)

[6]   S. J. Thomas et al., N. Engl. J. Med.10.1056/NEJMoa2110345 (2021)

[7]   N. Doria-Rose et al., N. Engl. J. Med.384. 2259-2261 (2021)

[8]   H.M.Sahly et al,. N. Engl. J. Med.10.1056/NEJMoa2110317 (2021)

[9]   J. M. Polinski et al., medRxv 21263385 [preprint] (2021)

[10] E. S. Rosemberg et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1306-1311 (2021)

[11] S. Nanduri et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1163-1166 (2021)

[12] A. Fowlkes et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1167-1169 (2021)

[13] M. W. Tentorde et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1156-1162 (2021)

[14] H. M. Scobie et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1284-1290 (2021)

[15] W. H. Self et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 13337-1343 (2021)

[16] Y. Goldberg et al., medRxv 21262423 [preprint] (2021)

[17] N. Dagan et al., N. Engl. J. Med.384. 1412-1423 (2021)

[18] «Israel expands COVID vaccine booster campagn to over 50s. health workers»
Reuters 13 august 2021

[19] Y. M. Bar-On et al., N. Engl. J. Med.385. 1393-1400 (2021)

[20] J. Lopez Bernal et al., N. Engl. J. Med.385. 585-594 (2021)

[21] K. B. Pouwels et al. medRxv 21262423 [preprint] (2021)

[22] FDA. «FDA authorizes Booster Dose of Pfizer-BioNTech COVID-19 Vaccine for Certain
Populations» : www.fda.gov/news events/press announcements/fda authorizes booster dose
of pfizer-biontech covid-19 Vaccine certain populations.

[23] FDA. « Coronavirus (COVID-19) Update : FDA Takes Additional Actions on the Use of a Booster Dose for COVID-19 vaccine » : www.fda.gov/news events/press announcements/coronavirus
covid-19 update fda takes additional actions use booster dose covid 19 vaccine.

[24] P. R. Krause et al., Lancet 398 1377-1380 (2021)

[25] CDC COVID-19 Vaccine Breakthrough Case Investigations Team. MMWR Morb. Morta. Wkly
Rep.
70. 792-793 (2021)

[26] N. Brussellaers, J. Lagergren,, Methods Inf. Med. 56. 401-406 (2017)

[27] Y. Young-Xu et al., JAMA Netw. Open 4. e2128391(2021)

[28] Y. Wang et al., EClinicalMedicine 40. 101129 (2021)

[29] K. Bruxvoort et al., medRxiv 21264199 [preprint] (2021)

[30] A. Puranik et al.  medRxv 21261707 [preprint] (2021)

[31] S. Y. Tartof et al., Lancet 398. 1407-1416 (2021)

[32] H. Chemaitelly et al.,  N. Engl. J. Med.10.1056/NEJMoa2114114 (2021)

[33] H. Chemaitelly et al., Nat. Med. 27. 1614-1621 (2021)

[34] T. Tada et al., BioRxiv 452271 [Preprint] (2021)

[35] R. R. Goel et al., Science 10.1126/sciience.abm0829 (2021)

[36] K. B. Pouwels et al., Nat. Med. 10.1038/s41591 021 01548 7 (2021)

[37] M. Anderson et al., Interface Focus 111. 20210008 (2021)

[38] D. W. Eyre et al., MedRxiv 21264260 [Preprint] (2021)

[39] M. J. M. Nielsen et al., MedRxiv 21259833 [Preprint] (2021)

[40] C. H. Sudre et al., Nat. Med. 27. 626-631 (2021)

[41] B. van den Borst, Lancet Reg. Health West Pac. 12 100208 (2021)

[42] J.L. Hirschtick et al., Clin. Infct. Dis. 10.1093/cid/ciab408 (2021)

[43] Pfizer,  » Pfizer and BioNTech Announce Phase 3 trial data shoswing high efficacy of a booster
dose of their COVID-19 vaccine  » press release 21 october 2021, www.pfizer.com/news/press
release/press release detail/pfizer and biontech announce phase 3 trial data showing.

[44] L. Saad « Americans Gettind Out More, but Cautiously. Gallup 7 june 2021: https//news gallup
com/poll/350666/americans getting cautiously. Aspx.

[45] K. L. Bajema et al., MMWR Morb. Morta. Wkly Rep. 70. 1294-1299 (2021)

[46] P. Cirillo. N. Krigbaum, Code for methods for SARS CoV-2vaccine protectionand deaths among
US veterans during 2021 Zenodo (2021) doi :10.5281/zenodo 5609444.