Résumé de l’article paru dans France Soir le 20 octobre 2020

Explications en vidéo : https://youtu.be/ToxeSJcIpcw

Temps de lecture : 5 minutes

La surveillance des eaux usées pourrait constituer un signal précoce pour aider à la gestion de la pandémie. En effet, outre une prophylaxie efficace en cas de préexposition, ou des traitements thérapeutiques, l’outil le plus important est la capacité d’identifier rapidement les personnes infectées et potentiellement contagieuses. L’anxiété de la population concernant l’augmentation des cas détectés, et l’interprétation qu’il faut en avoir pourraient être résolues par un nouvel outil épidémiologique développé et affiné par des scientifiques de l’environnement au cours des 20 dernières années : l’épidémiologie des eaux usées.

Développée dans le cadre de 2 réseaux de surveillance (OBEPINE et COMETE), cette nouvelle approche permettrait d’aplanir les difficultés à diriger efficacement les ressources de santé publique essentielles pour contenir, contrôler ou atténuer la transmission, et fournir une précieuse aide à la décision des politiques publiques [1, 2].

Plusieurs indicateurs sont actuellement utilisés pour évaluer le niveau de circulation du virus dans les populations

  • Les données cliniques, mais actuellement la majorité des porteurs du virus manifeste des signes cliniques très faibles à modérés, et la maladie reste difficile à détecter en raison de signes non spécifiques le plus souvent.
  • Les tests RT-PCR qui posent actuellement des problèmes de sensibilité et spécificité ne permettant pas d’utiliser cet indicateur de façon fiable et robuste
  • L’incidence (nombre de tests positifs sur nombre de tests totaux) ne détecte que les cas dans la population testée, et pas dans la population générale
  • Le nombre quotidien de nouvelles hospitalisations, entrées en réanimation et décès

Toutefois, les tests diagnostiques, non seulement longs et coûteux, n’ont jamais été destinés à une surveillance de masse. De plus, la sensibilité et la spécificité des tests actuellement homologués posent problème [3].

La surveillance des eaux usées a été une stratégie couronnée de succès pour suivre les marqueurs chimiques et biologiques de l’activité humaine [4, 5, 6]. Actuellement, diverses études ont détecté de l’ARN du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées dans le monde entier avec une grande sensibilité [7, 8, 9, 10, 11, 12, 13], c’est-à-dire quelques jours seulement après l’identification du premier cas humain de Covid-19 dans un pays [14]. « Depuis le 20 juin, la circulation du SARS-CoV-2 a repris progressivement : on a vu réapparaître des charges virales plus importantes dans les eaux usées, mais à un rythme beaucoup plus lent que lors de la première vague », observe auprès du « Quotidien » le Pr Vincent Maréchal, virologue à Sorbonne Université, initiateur du réseau OBEPINE ((Observatoire épidémiologique dans les eaux usées).

Cette technique agrège les informations sur la santé au niveau de la totalité de la population, indépendante des biais associés à la notification des cas par test individuel RT-PCR. En outre, la surveillance des eaux usées (c’est-à-dire la surveillance des maladies via les effluents humains) fournit un échantillon impartial de la population infectée, y compris les individus asymptomatiques.

Les intérêts de la détection du SARS-CoV-2 dans les eaux usées sont multiples

  • Approche complémentaire à la surveillance épidémiologique conventionnelle.
  • Diminution de la demande de tests individuels
  • Détection en temps réel de l’évolution de l’épidémie
  • Aide à la décision en matière de politiques publiques sanitaires.
  • Détermination de la population non infectée
  • Surveillance de la variation génotypique du SARS-CoV-2.
  • Renforcement de la transparence et désamorçage des controverses éventuelles.
  • Amélioration des connaissances en termes d’épidémiologie des maladies infectieuses.

La surveillance des eaux usées représente un complément précieux aux approches cliniques. Relativement peu coûteuses et faciles à collecter, la surveillance des eaux usées peut offrir une vue en temps réel et rentable de la santé d’une communauté, indépendante des biais associés à la notification des cas, y compris dans les pays à faibles revenus.

Gestion de la pandémie, à retenir

  • La surveillance des eaux usées permet de détecter de l’ARN du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées
  • La surveillance des eaux usées fournit les informations sur la santé de la totalité de la population, indépendante des biais associés à la notification des cas par test individuel RT-PCR.
  • Relativement peu coûteuse et facile à collecter la surveillance des eaux usées pourrait fournir une précieuse aide à la décision des politiques publiques.

RÉFÉRENCES

[1] http://www.francesoir.fr/societe-sante/le-developpement-de-lepidemiologie-des-eaux-usees-un-nouvel-outil-de-veille-sanitaire

[2] https://youtu.be/ToxeSJcIpcw

[3] https://www.lemediatv.fr/emissions/tout-peut-arriver/tests-covid-19-revelations-sur-un-nouveau-scandale-sanitaire-dEdPMI_qTcuDGwxrmVU7Sw.

[4] Sims, Natalie, and Barbara Kasprzyk-Hordern. “Future perspectives of wastewater-based epidemiology: Monitoring infectious disease spread and resistance to the community level.” Environment international vol. 139 (2020),

[5] de Oliveira M, Frihling BEF, Velasques J, et al. Pharmaceuticals residues and xenobiotics contaminants: Occurrence, analytical techniques and sustainable alternatives for wastewater treatment. The Science of the Total Environment. (2020);705:135568.

[6] Maria Lorenzo, Yolanda Picó, Wastewater-based epidemiology: current status and future prospects, Current Opinion in Environmental Science & Health, Volume 9, (2019), Pages 77-84.

[7] Ahmed W, Angel N, Edson J, Bibby K, Bivins A, O’Brien JW, Choi PM, Kitajima M, Simpson SL, Li J, Tscharke B, Verhagen R, Smith WJM, Zaugg J, Dierens L, Hugenholtz P, Thomas KV, Mueller JF. First confirmed detection of SARS-CoV-2 in untreated wastewater in Australia: A proof of concept for the wastewater surveillance of COVID-19 in the community. Sci Total Environ. 2020 august;728:138764.

[8] Lodder W, de Roda Husman AM. SARS-CoV-2 in wastewater: potential health risk, but also data source. Lancet Gastroenterol Hepatol. 2020 Jun;5(6):533-534.

[9] Sara Giordana Rimoldi, Fabrizio Stefani, Anna Gigantiello, Stefano Polesello, Francesco Comandatore, Davide Mileto, Mafalda Maresca, Concetta Longobardi, Alessandro Mancon, Francesca Romeri, Cristina Pagani, Francesca Cappelli, Claudio Roscioli, Lorenzo Moja, Maria Rita Gismondo, Franco Salerno, Presence and infectivity of SARS-CoV-2 virus in wastewaters and rivers, Science of The Total Environment, Volume 744, (2020), 140911.

[10] Fuqing Wu, Jianbo Zhang, Amy Xiao, Xiaoqiong Gu, Wei Lin Lee, Federica Armas, Kathryn Kauffman, William Hanage, Mariana Matus, Newsha Ghaeli, Noriko Endo, Claire Duvallet, Mathilde Poyet, Katya Moniz, Alex D. Washburne, Timothy B. Erickson, Peter R. Chai, Janelle Thompson, Eric, SARS-CoV-2 Titers in Wastewater Are Higher than Expected from Clinically Confirmed Cases, J. Alm.mSystems Jul 2020, 5 (4) e00614-20.

[11] A.Nemudryi, A. Nemudraia, T. Wiegand, K. Surya, M. Buyukyoruk, C. Chica, K.K. Vanderwood, R. Wilkinson, B. Wiedenheft, Temporal Detection and Phylogenetic Assessment of SARS-CoV-2 in Municipal Wastewater, Volume 1, ISSUE 6, 100098, September 22, 2020.

[12] Walter Randazzo, Enric Cuevas-Ferrando, Rafael Sanjuán, Pilar Domingo-Calap, Gloria Sánchez, Metropolitan wastewater analysis for COVID-19 epidemiological surveillance, International Journal of Hygiene and Environmental Health, Volume 230, 2020, 113621.

[13] Randazzo, Walter et al. “SARS-CoV-2 RNA in wastewater anticipated COVID-19 occurrence in a low prevalence area.” Water research vol. 181 (2020): 115942.

[14] Gertjan Medema, Leo Heijnen, Goffe Elsinga, Ronald Italiaander, and Anke Brouwer, Presence of SARS-Coronavirus-2 RNA in Sewage and Correlation with Reported COVID-19 Prevalence in the Early Stage of the Epidemic in The Netherlands, Environmental Science & Technology Letters 2020 7 (7), 511-516.